Un athEe commente la vision du pape sur l’Ecologie

Frédéric Edouin nous fait part de son commentaire de « Laudato si’ »,
L’encyclique du pape consacrée à l’écologie.
Frédéric Edouin nous avait ouvert la porte de sa maison en bois, qu’il s’est construite lui-même sur les hauteurs de Saint-Denis-Catus, pour nous faire partager son mode de vie, basé sur le concept de la décroissance.
Nous le retrouvons aujourd’hui avec son commentaire sur « Laudato si ». « Laudato si » : pour rappel, c’est le titre de l’encyclique du pape François consacré à « la sauvegarde de la maison commune », c’est-à-dire aux questions environnementales et à l’écologie humaine, paru en mai 2015.
Personnellement peu sensible au fait religieux, j’ai néanmoins été très agréablement surpris par ce petit livre que j’ai finalement apprécié de la première à la dernière page. En 246 courts paragraphes, le pape livre sa vision de l’impact des multiples comportements mortifères de l’homme sur son environnement.

Le capitalisme un concept économique « mortifère »?

En résumé, il nous est très clairement proposé de « passer de la consommation au sacrifice, de l’avidité à la générosité, du gaspillage à la capacité de partage ». Ce livre est une critique absolument radicale du fonctionnement de nos sociétés soi-disant civilisées où « tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle absolue ».
L’économie représente l’alpha et l’oméga de nos vies, horizon définitivement indépassable : chômage, croissance, PIB, cours de la Bourse, prix des matières premières, agences de notation… : « l’économie assume le développement technologique en fonction du profit, sans prêter attention à d’éventuelles conséquences négatives pour l’être humain ».
Le capitalisme est désigné comme intrinsèquement mortifère, tant pour l’environnement que pour l’homme lui-même, l’argent et le profit sont les veaux d’or modernes, le marketing et la publicité souillant tous les espaces de vie, de la naissance à la mort, l’impératif étant de vendre, acheter, consommer, jeter : « le marché tend à créer un mécanisme consumériste compulsif pour placer ses produits, les personnes finissent par être submergées dans une spirale d’achats et de dépenses inutiles ». Le travail « moyen de se réaliser »
La notion même du travail est abordée en tant que moyen de réalisation personnelle : « on ne doit pas chercher à ce que le progrès technologique remplace de plus en plus le travail humain (…) Le travail est une nécessité, il fait partie du sens de la vie sur cette terre, chemin de maturation et de développement humain », ce qui contredit absolument les scientistes et thuriféraires du progrès à tout prix, alors que la robotisation de nos sociétés va détruire des millions d’emplois, que les éventuels gains dans de nouveaux métiers ne compenseront jamais. Cela jette aussi un éclairage nouveau sur le débat relatif au revenu inconditionnel, le simple fait que certains hommes politiques de droite y soient favorables devrait d’ailleurs inspirer un minimum de circonspection.
Et les hommes politiques dans tout cela ?
La mondialisation des échanges touche également le domaine culturel puisque « la vision consumériste de l’être humain, encouragée par les rouages de l’économie globalisée actuelle, tend à homogénéiser les cultures et à affaiblir l’immense variété culturelle, qui est un trésor de l’humanité ».
J’ai personnellement pu le constater lors d’un séjour en 2011 avec l’association ASMAE (fondée par sœur Emmanuelle) aux Philippines avec les travailleurs des champs de canne à sucre où la « culture » occidentale était omniprésente, et où il est moins onéreux d’acheter des « soft drinks » de multinationales que de l’eau potable. Ma compagne indonésienne m’explique également que, dans son pays, la production cinématographique locale est quasi-inexistante, les masses préférant se ruer sur les blockbusters hollywoodiens.
Et les hommes politiques dans tout cela ? « Répondant à des intérêts électoraux, les gouvernements ne prennent pas facilement le risque de mécontenter la population par des mesures qui peuvent affecter le niveau de consommation ou mettre en péril les investissements étrangers ».
Les exemples sont malheureusement innombrables pour confirmer cette affirmation : bétonnage de terres agricoles, promotion de l’agriculture intensive, ventes d’armes aux pays violant les droits de l’homme, lobbying pour l’exploitation des gaz de schiste, allongement de l’autorisation d’exploitation des centrales nucléaires, etc. L’heure de la décroissance Alors que faire ? La solution est pourtant d’une évidence absolue : « face à l’accroissement vorace et insupportable produit durant de nombreuses décennies, il faudra penser aussi à marquer une pause en mettant certaines limites, voire à retourner en arrière avant qu’il ne soit trop tard.
C’est pourquoi l’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d’autres parties ».
Voilà, le mot est lâché : « décroissance », on peut l’appeler « sobriété heureuse » si on veut, mais ça revient strictement au même !
Même la notion très politiquement correcte de développement durable, qui n’est en fait qu’un trompe l’œil synonyme de pollution durable en prend pour son grade : « le discours de la croissance durable devient souvent un moyen de distraction et de justification qui enferme les valeurs du discours écologique dans la logique des finances et de la technocratie ».
Si les politiques sont très loin d’accepter cette vision papale, mais finalement absolument universelle, il n’en demeure pas moins que chacun d’entre nous porte une responsabilité directe : « cela nous rappelle la responsabilité sociale des consommateurs : acheter est non seulement un acte économique mais toujours aussi un acte moral (…) le thème de la dégradation environnementale met en cause les comportements de chacun de nous (…) l’accumulation constate de possibilités de consommer distrait le cœur et empêche d’évaluer chaque chose et chaque moment ».

Interroger nos actes d’achat, pour une prise de conscience

Interroger chacun de ses actes d’achat est à mes yeux la première étape d’une prise de conscience de la spirale de surconsommation dans laquelle nos sociétés nous poussent : est-ce que j’en ai réellement besoin ? Est-ce que je ne peux pas le faire moi-même ou l’emprunter ? Est-ce que je ne peux pas l’obtenir d’occasion ?
C’est donc finalement d’une véritable écologie intérieure qu’il s’agit : « la sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice.
Ce n’est pas moins de vie, ce n’est pas une basse intensité de vie, mais tout le contraire (…) Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie ».
Chacun des paragraphes de ce petit livre peut donc très concrètement prêter à réflexion et inspiration, même pour les non-croyants comme moi. Je vous souhaite une belle année d’humilité et de sérénité.

FRÉDÉRIC EDOUIN
http://vege-decroissance.over-blog.com/

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