pêle-mêle

Il n'y a pas que le 4X4 dans la vie et il parait qu'un confrère nommé Larochefoucauld (si j'ai bien compris, son garage s'appellerai "MAXIME 4X4"), répéterai : "Qui vit sans folie, n'est pas si sage qu'on le croit ".

5 décembre 2004 : Réunion des anciens de la sucrerie Bouchon de Nassandres.



De la part de Carl EDOUIN garage 4X4 EDOUIN au carrefour de Malbrouck :

A la bonne attention des anciens de
la sucrerie Bouchon de Nassandres

 

Chers Sucrières et Sucriers *,

Préambule :

Des vacances et réunions familiales chez mes arrières grands-parents, grands-parents et oncles "sucriers" à Roye (80), Marle sur Serre (02), Ham (80), Crisolles près de Noyon (60), Les Michettes par Coucy-le-Château (02), m’avaient permis de ne pas être dépaysé quand je suis arrivé à Nassandres en 1970 dans l’équipe du garage CHAISE, en revivant avec plaisir mes souvenirs d’enfance au travers des odeurs rythmant les "fabrications".
Avec toujours autant de bonheur, j’avais également retrouvé chez ceux de "chez Bouchon", la chaleureuse confraternité des sucriers qui me manquait dans le monde de l’automobile. **

Ce qui précède explique pourquoi je ne suis pas resté indifférent quand le docteur Varoqueaux (03 44 41 39 63) me fît part de son action et des projets de son équipe qui a déjà obtenu le classement à l’inventaire supplémentaire des bâtiments historiques, de la sucrerie de Francières (60).
Leur but final est d’y constituer un lieu de mémoire consacré aux sucreries de France.
En plus des documents recherchés (archives, cartes postales, etc…), la collecte de récits de témoins directs sont précieux pour permettre aux générations futures de mieux comprendre cette épopée sucrière.
Dans ce but et à l’instar de ce qui a été fait par les anciens de la sucrerie Lebaudy de Roye le 16 mai 1986 (exemplaire joint), pourquoi ne pas se réunir entre "survivants" de chez Bouchon lors d’un déjeuner, ici au garage à Carsix, le dimanche 5 décembre 2004 à partir de 12 h 30.
Merci de réserver au garage EDOUIN  02 32 46 23 59 avant le 27 novembre 2004.  

En plus de ses récits ou documents, photos, cartes postales, etc…, je suggère que chacun amène son repas, le garage offrira les boissons froides, chaudes et dessert.

Aux plaisirs de ces évocations et retrouvailles, vous pourrez ajouter la visite d’une exposition de 300 reproductions de cartes postales consacrées aux "paysans et paysages" des années 1900. Un certain nombre sont d’ailleurs en rapport avec la sucrerie de Nassandres.
Des peintures, tapisseries, sculptures, voitures de collection ; violons et piano en répétitions pourront peut-être également vous intéresser ?  

Si ce qui précède ne suffit pas pour accepter cette invitation, sachez que des bons de commandes de magnifiques 4X4 d’occasions exceptionnels, comme neufs, en parfait état, pas cher, peu roulé, en promo, à saisir, vous attendent impatiemment………. (Soyez indulgents pour cette intrusion commerciale, mais que voulez-vous, après 40 ans de métier, les réflexes ont la vie dure…).

Cordialement.  

 

 Carl EDOUIN

*Quoique peu utilisé dans notre région, c’est ainsi que j’ai toujours entendu se désigner les acteurs du monde des sucreries du nord de la France.

** Un sucrier de Roye, M. Jacques Loir a écrit : "Tous les anciens ont rappelé leurs difficiles conditions de travail avec une certaine fierté. Mais, tous ont été unanimes pour insister sur l’ambiance de camaraderie et de solidarité qui en était la compensation et, finalement, ils nous ont tous dit : "c’était le bon temps…"."


Extrait des souvenirs des retraités de la sucrerie de Roye (80) évoqués lors du repas du 16 mai 1986.

Roye est occupée le 22 septembre 1914, pourtant M. PLOTIN *, le directeur, refuse de quitter sa maison, pour essayer de sauver l’usine de la destruction. Il vit, toutes les années d’occupation allemande, dans sa cave, les allemands occupant tout le reste de la maison… avec ses 9 enfants **. L’attitude de M. PLOTIN pendant cette période lui a valu d’ailleurs d’être deux fois déporté. En 1918, il se rendit en Hollande pour y acheter, d’occasion, une usine complète qui fut réinstallée à l’emplacement de celle de ROYE bombardée. Cela lui valu d’être décoré de la légion d’honneur à titre industriel en 1930.
* Arrière grand-père maternel de Carl EDOUIN, garagiste à Carsix et Eric EDOUIN ent. de maçonnerie au Gros Theil.
** Dont ma grand-mère Jeanne qui en épousant un chimiste de la sucrerie, Mr Adonat EDOUIN, donna le jour à 4 enfants dont ma mère, Marie-Thérèse EDOUIN.

 

M. André CAZIER

"En 1929 il y a environ 400 courroies dans l’usine, ce qui nécessite un bourrelier à temps complet.
Les roulements à billes sont inconnus (paliers à coussinets), ce qui demande une lubrification et une surveillance constante.
"

 

Jean-Marc VICAIGNE

"1932 voit le passage à une deuxième étape : la sucrerie est portée progressivement à 1.500, puis 1.700 et enfin 1.800 tonnes de betteraves dont 250 à 300 tonnes en distillerie. Dès 1934, la capacité de 2.000 tonnes/jour est atteinte. Numéro 2 en France, déjà derrière EPPEVILLE. Record le 27/11/1982 avec 14.125 tonnes."

 

M. François SAGNY

"Jusqu’en 1952, l’alimentation en betteraves de la sucrerie se faisait par chemin de fer en voies de 60.
A l’origine, ce réseau, posé pendant la guerre 1914/18, constituait la liaison régulière ROYE/NOYON et ROYE/NESLE. Les rails passaient sur le trottoir de la rue de Noyon, juste devant les maisons.
Le circuit a été repris par la sucrerie, qui l’a intensifié pour le faire sillonner toute la zone betteravière et atteindre une longueur de 60 km. Charger et décharger les betteraves se faisait à la fourche et était payé au tonnage ou au wagon.
Outre les 11 locomotives Baldwin, nous avions un wagon plate-forme et une draisine, ainsi que 2 locomotives à vapeur, à qui il est arrivé d’oublier de freiner, défonçant ainsi le garage du patron… Bien entendu tout ce réseau, sur lequel circulaient quelque 130 wagons journellement pendant la campagne, devait être entretenu pendant l’intercampagne. Les travaux étaient payés à la tâche, avec des tarifs différents selon leur importance : décapage des voies, petit ou gros relevage, remplacement des tronçons défectueux, ballastage, etc. Tout cela nous donnait bien du travail et dès la mi-mars, nous partions toutes la journée, emportant nos gamelles et une grande amélioration fut l’attribution de tentes pour nous protéger des intempéries…"

 

M. Germain PAULUZZI

"Pour éviter le charroi sur les routes menant à la sucrerie et limiter la distance des transports, une râperie a été construite au centre de la zone de cultures à ARVILLERS, râperie reliée à ses différentes bascules et à la sucrerie par une voie métrique. Les betteraves étaient lavées, coupées dans un coupe-racines qui alimentait une batterie à vases circulaire.
Le jus était alors chaulé puis envoyé à ROYE par une pompe à piston et une conduite de 13 kilomètres.
Progressivement, la râperie sera modernisée, puis dans les années 55, étant donné le perfectionnement des moyens de transport et le coût d’entretien trop élevé, elle fut supprimée et le personnel reclassé à la sucrerie.
Les liaisons entre la sucrerie et la râperie (13 km), s’effectuaient au départ à moto, puis pendant la guerre, du fait du manque d’essence et de pneus, à vélo 2 fois par jour (matin et soir) pour ramener les échantillons de pulpes et de jus. Alors qu’aujourd’hui, on prend une voiture pour aller au fond de l’usine, à la déshydratation… ça, c’est du sport ! "

 

M. Emile CHEVALIER

"Le charbon nous arrivait du Nord au rythme d’un train de 20 wagons de 40 tonnes chacun par semaine, soit 800 tonnes, pendant les mois de mai, juin et juillet. Arrivé en gare de ROYE à 6 h, le train était amené par un locotracteur MOYSE à la sucrerie, où les équipes commençaient le déchargement, à la pelle sur les sauterelles, vers 7 h. Deux personnes étaient affectées par wagon qui, avec la poussière, la sueur, la chaleur, finissaient par ressembler à des Sénégalais…"

 

M. Georges DEPOILLY

"Entre les années 1920 et 1955, nous faisions appel à des travailleurs saisonniers belges. Déjà la rivalité entre les communautés wallonne et flamande était "épidermique" et il fallait veiller à ne pas mélanger les protagonistes…
C’est ainsi que Wallons et Flamands formaient deux groupes bien distincts d’une trentaine de personnes chacun ; ils étaient logés dans des cantines séparées et même les menus devaient être différents !
Les saisonniers faisaient alors des postes de 12 heures par jour et certains se nourrissaient presque exclusivement de sucre étalé sur du pain, malgré leur carrure impressionnante. En 1927, des travailleurs polonais venus primitivement, pour certains, dans les mines du Nord, se sont reconvertis dans l’agroalimentaire. A partir de la campagne 1939 jusqu’à celle de 1945, nous avons vu arriver un groupe de travailleurs saisonniers nord-africains. Puis, à partir de 1945, les bretons ont pris le relais."

 

M. Maurice LEJEUNE

"En 1945, le téléphone n’était pas encore installé dans l’usine et la communication entre les coupe-racines et la diffusion se faisait de façon brève et impersonnelle, à coups de sifflet, ce qui évidemment, limitait les conversations…"

 

M. Gaston HENRY

"Les forgerons, fabriquaient presque tout l’outillage pour toute la sucrerie (surtout les clés plates prises dans les boudins de rail…). Les grosses pièces étaient soudées à la forge et là également beaucoup de monde était employé à la manutention et à la frappe. Je vous demande d’imaginer le spectacle fantastique du moulinet des marteaux à devant frappant en rythme décalé, actionnés par 4 autres ouvriers et le feu d’artifice des étincelles qui les auréolaient.
Pendant la période de l’occupation allemande, nous travaillions certes pour l’usine, mais également beaucoup pour nous… Combien de hachoirs à tabac, de moulins à blé, de grilloirs à orge (ersatz de café) sont sortis des mains des mécaniciens. Et que dire du savon fabriqué à partir de beurre de coco, dont la fonction initiale était de servir d’antimousse… Quant à l’alcool, outre sa valeur de monnaie d’échange pour l’usine… mélangé à des extraits Noirot, il a servi pour la fabrication d’apéritifs et de digestifs dans bien des foyers…"

 

M. André CAZIER

"Un certain 14 juillet de l’occupation, un patriote est allé placer un drapeau français au sommet de la cheminée. Gros émoi des forces d’occupation qui ont obligé M. DAUBRESSE, Directeur de l’époque à faire enlever cet élément insolite… Un "acrobate", payé en sucre, a donc été trouvé pour effectuer ce travail. Entre nous, nous avons toujours pensé que c’était déjà lui qui était allé placer le drapeau…"

 

Mme Claire BOURSE

"Je me souviens, entre autre, de certains moments où le nombre important de copies supplémentaires du courrier nécessitait notre retour au bureau le soir et il faut bien avouer que nous éprouvions un certain plaisir à pratiquer une espèce de marathon : les doigts couraient sur le clavier jusqu’à une heure tardive ; on ne voyait pas le temps passer !"

 

M. Bernard THOREL

"Effectivement, démariage, arrachage, décolletage, débardage, tous ces travaux étaient effectués manuellement. Ce qui demandait une main-d’œuvre importante, aussi bien régionale qu’Avesnoise et Belge.
A la sucrerie, les wagons de la voie normale étaient vidés par déchargement hydraulique, ceux de la voie de 60 à la fourche, ou à la main par des enfants qui se faisaient ainsi leur argent de poche."

 

M. Maurice GEOFFROY

"La plupart des agriculteurs appliquaient la méthode de pesée directe. Les betteraves étaient livrées dans les bascules, le long de la voie de 60 et déchargées sur des aires de stockage où une évaluation "à l’oeil" était faite pour le coulage, c’est-à-dire pour évaluer le fond de terre. Puis un échantillon était prélevé pour déterminer la tare collet et la densité. En cas de contestation du coulage, on faisait ce qu’on appelle "une bâche", ce qui consistait à débaculer la totalité du chargement incriminé sur une bâche, les betteraves étaient reprises manuellement dans des paniers et la terre qui restait dans la bâche était pesée. Il était bien rare que cette vérification fasse apparaître des résultats très différents de l’estimation "au jugé"."

 

M. Etienne LECERF

"Il y a 50 ans, la culture de la betterave à sucre était pénible pour les ouvriers agricoles, qui travaillaient à la tâche.
Le travail se faisait en deux temps : tout d’abord, le plaçage, qui consistait à mettre les betteraves en place en enlevant celles qui étaient en trop (on l’appelait également le démariage). Une fois ce travail réalisé, le bineur passait à nouveau pour éliminer les mauvaises herbes. C’était le repassage. Pour placer et repasser un hectare de betteraves, il fallait donc faire 27 kilomètres le dos courbé. Certaines personnes qui souffraient du dos plaçaient les betteraves en fin de journée à genoux… Un bon bineur mettait 6 jours pour placer un hectare et, dans une saison, plaçait 7 à 8 hectares de betteraves.
L’arrachage commençait début octobre et se terminait fin décembre. Certains arracheurs travaillaient la nuit, au clair de lune, par tous les temps, pluie ou gel. Les enfants au sortir de l’école venaient aider leurs parents à finir la journée…
Les betteraves en rang par terre étaient décolletées au couperet, puis mises en petits tas, éventuellement recouvertes de feuilles, comme l’a dit Bernard THOREL, pour les protéger du gel, puis chargées à la fourche sur des tombereaux tirés par des chevaux et conduites à la bascule. Quel courage ! A ETALON, près de NESLE, une femme enceinte, qui arrachait des betteraves a dû accoucher sur un tas de betteraves…"

 

M. Joseph ALBIZZI

"Pendant la campagne, le sucre blanc et roux était mis en sacs et stocké en piles dans le magasin à sucre 1, par lots de 100 sacs de 100 kilos. Ce travail était accompli par des saisonniers belges, par postes de 12 heures. Comme ces "empileurs" étaient de solides gaillards et qu’ils étaient payés au lot (c’est-à-dire 100 sacs de 100 kilos), inutile de vous dire que la cadence allait bon train… On cite même le cas de Fernand LEMAIRE qui, un sac de 100 kilos sous chaque bras et un sur le dos, a porté ainsi 300 kilos pour prouver sa force…"

 

M. Germain PAULUZZI

"Pas facile de ramener la durée annuelle du travail de 3.000 heures à 1.770 heures, en augmentant le niveau de vie.
L’action syndicale a été déterminante dans l’amélioration des conditions de travail. Mais, reconnaissons qu’il fallait ramer à contre-courant pour convaincre que la prime d’insalubrité n’avait aucun effet bénéfique sur notre organisme… et qu’il est préférable de combattre les nuisances plutôt que de les indemniser.
Ce très long parcours dans l’usine n’empêchait pas l’imagination pour vivre des moments de détente. Les machines lourdes et bruyantes nous laissaient des petits espaces. La densité d’occupation des lieux par le personnel facilitait des regroupements pour raconter de bonnes histoires et imaginer des farces et attrapes : des prises d’échantillons faussées, des densimètres alourdis, des pressions physiques sur le fléau de la bascule Equitas pour battre des records de poste, des mitrailleurs arrosant le chef betteravier un peu trop pointilleux.
Sans oublier les soirées de Noël où l’usine fonctionnait pendant un court instant avec le seul chef de poste…"

 

M. Jacques LOIR

"Tous les anciens ont rappelé leurs difficiles conditions de travail avec une certaine fierté. Mais, tous ont été unanimes pour insister sur l’ambiance de camaraderie et de solidarité qui en était la compensation et, finalement, ils nous ont tous dit : "c’était le bon temps…"."

 


Anciens de chez Bouchon. Réunion du 05/12/2004

 

 

 

 

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