Coincé entre le Range, synonyme incontestable de luxe, et le
Defender, baroudeur tout autant affirmé, le Discovery, en tentant de plaire aux
uns tout en essayant de conserver lestime des autres, avait au sein de la
gamme une position quelque peu ambiguë. Larrivée du Freelander a attiré
vers la marque dont limage tout-terrain est toujours très forte, une
nouvelle clientèle, avide de loisirs ou de limage qui sy rattache. Bien
ciblé, le Freelander connaît le succès; on en attend de même du Discovery à
qui une nouvelle mission a été confiée. Constatant lévolution du marché
vers une demande pour des véhicules de plus en plus routiers, même au sein des
"vrais" 4x4, Land Rover a très largement modifié son Discovery,
apparu en 1989, pour lui donner les armes de la nouvelle séduction :
technologie, comportement de berline, affichage net dun certain mode de vie.
Tout en conservant ce qui faisait unanimement son succès : une ligne bien
affirmée et des possibilités de franchissement reconnues et même largement
médiatisées à travers, par exemple, le Camel Trophy.
Extérieurement lévolution est douce. Comme la (nouvelle)
douceur de ses lignes, tout de même moins anguleuses même si la silhouette
très caractéristique a soigneusement été conservée. La tradition compte
beaucoup chez Rover, pour ses clients aussi. Tous les panneaux de carrosserie
sont nouveaux (BMW a investit la bagatelle de £ 40 millions pour cela) et
pourtant cest surtout par la face avant et la nouvelle position des feux
arrière quon remarque le dernier-né. Par la qualité de lassemblage
aussi, les normes allemandes ayant eu une excellente influence ! II faut aussi
noter que le Discovery est plus long de 16,7 cm, plus bas de 2cm tandis que les
voies sont plus larges (1540 mm à lavant, 1560 mm à larrière contre
1486 mm auparavant) au profit dune plus grande stabilité mais aussi dune
amélioration de lesthétique. En revanche, les angles dattaque et de
sortie nen sortent pas favorisés, bien au contraire, mais ce problème est
habilement contourné par un des nombreux systèmes magiques que comporte le
nouveau Land Rover : le SLS, ou Self Levelling Suspension qui permet, dune
simple impulsion sur un bouton, de relever ou dabaisser la suspension
arrière. Mais pas lavant, oui cest vrai, ce qui explique les aptitudes
légèrement moins bonnes en attaque que sur le précédent modèle. Bien campé
sur les gros 255/65 R16 montés sur des jantes alliage, avec la roue de secours
bien en évidence sur la porte arrière, le Discovery ne passe pas pour un
autre. Le modèle que nous avons retenu pour cet essai est équipé du nouveau
moteur Td5, un turbo diesel 5 cylindres à injection directe, de la boîte auto
et il sagit de la finition ES. Le tout est proposé 261 200 F (le tarif est
le même avec le moteur V8). Nous verrons que sont inclus dans ce prix de très
nombreux équipements, la seule option étant les jantes Alu Proline en 18
pouces, facturées 8500 F
Au volant
A peine installé au volant du Discovery ressent-on une
impression de confort et de luxe. Les nouveaux sièges y participent pour
beaucoup. Avec un dossier montant très haut (lentourage de lappuie-tête
sert de poignée pour les passagers arrière), ils maintiennent bien
latéralement et sont réglables électriquement, ce qui permet de déterminer
une position de conduite optimale, tandis que la colonne de direction est
également réglable. Ces sièges sont en outre chauffables et disposent dun
accoudoir réglable. La position au volant ainsi déterminée permet de profiter
dune excellente visibilité vers lavant (la dimension du pare-brise a
été augmentée), sans angle mort. Les rétroviseurs électriques offrent une
bonne vision extérieure, tandis quà lintérieur il faut convenir que le
troisième appuie-tête de la banquette, qui se met automatiquement en place
dès quon relève laccoudoir central, gêne la visibilité vers larrière,
notamment dans les manSuvres. Le volant (avec airbag) à large jante gainée de
cuir et quatre branches est très agréable au toucher. Du bout des doigts on
peut accéder au cruise control à droite et aux commandes de la radio à
gauche. Pour agréable quil soit, et selon la position de conduite et la
morphologie du conducteur, ce volant masque tout de même la partie inférieure
du tableau de bord. Celui-ci comporte un très grand nombre de témoins
lumineux, de contrôle, de fonctionnement ou dalerte. Mais en plus du
compteur de vitesse, du compte-tours et de la jauge à carburant, il ne comprend
quun manomètre (non gradué) de température deau. Pas de pression ni de
température dhuile, pas davantage dampèremètre. Au volant, deux
commodos actionnent les principales fonctions. Placés à 9h15, ils déroutent
légèrement au début pas leur positon un peu basse, mais ensuite ce nest
plus un problème. En revanche certaines commandes ne sont guère ergonomiques,
comme celles des lave-vitre et essuie-vitre arrière, placées sur le tableau de
bord, derrière le volant, alors quon les trouve le plus souvent sur le
commodo. Il en est de même des lève-vitres électriques, installés sur lavant
du coffret central quil faut toujours chercher un peu à tâtons. Le nouveau
tableau de bord regroupe en son centre les commandes dune installation hi-fi
sophistiquée. Fournie par Harman-Kardon, qui équipe aussi Jaguar, elle
comprend un autoradio RDS à lecteurs K7 et CD et onze haut-parleurs. En dessous
de la radio se trouve la climatisation automatique à réglage séparé de la
température pour le conducteur et le passager. Cest également sur la
console centrale quon trouve linterrupteur du système de contrôle dadhérence
en descente (HDC) et celui de la hauteur de la suspension arrière (SLS).
Tempête sous le capot
La condamnation centralisée des portes actionne également lanti-démarrage.
Après un temps de préchauffage assez court (il ny a de bougies de
préchauffage que sur quatre cylindres pour une question de place), le cinq
cylindres TD de 2495cm3 se met en route à la première sollicitation. Mis en
température, il se révèle très silencieux et ne laisse pas filtrer de
vibrations à la caisse. Appelé "Storm" (tempête en anglais), ce
moteur à injection directe est inspiré des anciens 200 Tdi et 300 Tdi, mais cest
un tout nouveau moteur dont les performances en terme de préservation de lenvironnement
lui permettent de se passer de pot catalytique. Une de ses caractéristiques
réside dans le système EUI Lucas qui utilise pour chaque injecteur une pompe
à piston plongeur mue par larbre à cames, le tout commandé par une
électronique de très haute précision. Ce système permet de fournir des
pressions dinjection très élevées, de lordre de 1500 bars (contre 600
bars au système haute pression du 300 Tdi), garantes démission réduite et
de haut rendement. Pour que le système fonctionne parfaitement, une unité de
refroidissement du carburant est installée sur le collecteur dadmission.
Enfin ce moteur est coiffé dune culasse en alliage. Ses performances sont
élevées, avec une puissance de 138 ch à 4200 t/min et un couple de 315 mkg à
1950 t/min (300 Nm pour la version à boite méca). Notons que 90% de la valeur
du couple est disponible dès 1450 t/min. Ce groupe se montre très agréable à
lutilisation : souplesse, douceur et silence de fonctionnement mais aussi
performance dans les reprises pour les dépassements, générosité dans leffort
pour les longs parcours autoroutiers ou la montagne et même sobriété avec
13,3 l/100 km en moyenne, une valeur très raisonnable compte tenu du haut
gabarit de lengin et de son poids (2205 kg à vide). La boite auto, de type
ZF4HP22EH, est également nouvelle, Elle a été conçue en adéquation avec le
moteur Td5 et est gérée électroniquement. Ainsi, lors du changement de
rapport, la centrale électronique agit sur le moteur en réduisant
momentanément le couple afin de procurer une plus grande souplesse. Le
conducteur peut aussi intervenir en choisissant le mode de fonctionnement : en
mode "sport" les changements ont lieu à des vitesses de rotation plus
élevées et le rétrogradage est facilité. Dautre part, en tout terrain,
lorsque la gamme basse est enclenchée, la sélection du mode "manuel"
permet de maintenir le rapport sélectionné quel que soit le régime moteur.
Sur la route
Les suspensions sont à ressorts hélicoïdaux et
amortisseurs hydrauliques. Mais la grande nouveauté se tient dans le système
ACE (Active Cornering Enhancement), ou contrôle actif du roulis que nous avons
très longuement détaillé dans un précédent numéro de Passion 4x4. Sur le
terrain ce système se montre tout à fait opérationnel. Fini le "vautrage"
caractéristique, et presque caractériel (!), de lancien Discovery. Le
nouveau Land Rover sait maintenant virer à plat, gommant cette fâcheuse
impression quil avait de vouloir se coucher sur le côté. Outre ce gain en
tenue de route et sécurité, ce système apporte beaucoup au confort : la ligne
dhorizon reste désormais horizontale aux yeux des passagers même en virage,
pour leur plus grand bien-être. Le conducteur y trouve aussi largement son
compte en plaisir de pilotage, les changements de cap, notamment, nétant
plus un problème. Sans être tout à fait celui dune berline, le
comportement routier du Discovery sen rapproche, une innovation qui était
absolument indispensable pour espérer toucher une nouvelle clientèle. Assez
nettement sous-vireur, ce qui est normal compte tenu de la répartition des
masses et de la transmission 4x4 intégrale, le Discovery se contrôle
néanmoins aisément. Quant à la tenue de cap, elle est en très nette
amélioration, surtout en décélération. Enfin noublions pas le rôle du
SLS, ou compensateur de charge, qui fonctionne par lintermédiaire dune
suspension à air à larrière.
Freinage
Le Discovery est équipé de freins à disques ventilés
(diamètre 297 mm) et quatre pistons à lavant et de disques pleins
(diamètre 305 mm) et deux pistons à larrière. LABS à quatre canaux est
de conception Wabco. Mais le rôle de lABS ne se limite pas au seul
anti-blocage des roues. Il est aussi utilisé pour trois autres systèmes : lEBD,
lETC et lHDC. LEBD, ou Electronic Brake Distribution, est un
répartiteur électronique de freinage qui permet dajuster celui-ci à la
charge, évitant le blocage des roues arrière. LETC, ou Electronic Traction
Control, est un système antipatinage qui évite lutilisation dun
dispositif visco-coupleur. Il mesure les différences de rotation entre les
roues et en freinant la, ou les roues en perte dadhérence, il évite ainsi
le patinage, assurant à la fois une traction optimale mais aussi évitant la
détérioration inutile du sol. Enfin le HDC, ou Hill Descent Control, est un
système déjà utilisé sur le Freelander. Mais il est encore plus
perfectionné sur le Discovery. Enclenché par rupteur sur le tableau de bord,
et seulement si la gamme courte est utilisée, le HDC vient en complément du
frein moteur et en utilisant les freins avec lABS, il stabilise la vitesse en
descente entre 7 et 14 km/h selon le rapport sélectionné. Cela peut être
très utile en tout-terrain, notamment avec la boîte auto, mais aussi par
exemple pour affronter les quelques kilomètres dune descente fortement
glissante (verglas). Lors de notre essai nous navons rencontré aucun
problème de freinage. Celui-ci se montre puissant, avec une attaque à la
pédale franche, stable et endurant. Le déclenchement de lABS nest pas
intempestif, et il est très supportable sur piste. Le système HDC fonctionne
parfaitement et cest même étonnant de voir cette masse de plus de deux
tonnes contrôler elle-même sa progression. Attention toutefois : dans certains
cas de franchissement, 7 km/h cest tout de même trop !
Direction
Le système retenu est à galet et vis sans fin, avec une
assistance hydraulique utilisant un nouveau fluide semi-synthétique qui
améliore son fonctionnement par temps froid. La nouvelle géométrie du train
avant contribue à lamélioration de tout le système de direction, quels que
soient les conditions et les terrains. Les réactions parasites sont bien
filtrées. Le volant est agréable au toucher, la perception du point milieu est
bonne et les manSuvres sont aisées tandis que le contrôle du véhicule à
haute vitesse est facilité par une bonne sensation de la route. Le rayon de
braquage de 11,9 m est correct pour un véhicule de cette taille.
De nuit
La conduite nocturne à bord du Discovery est facilitée par
des projecteurs puissants, commandés par un classique commodo. On peut régler
la hauteur du site déclairage selon la charge. Les projecteurs
anti-brouillard intégrés dans le bouclier sont dun précieux secours. On
remarque la présence de lave-phares. On ne déplore pas de reflets parasites de
léclairage du tableau de bord. A noter que le rétroviseur intérieur est à
réglage automatique (photosensible).
Confort
Dans sa version ES, le Discovery est destiné à accueillir
sept passagers. La banquette centrale est suffisamment spacieuse pour permettre
à trois adultes de voyager dans le confort. On note des poignées de maintien
au dessus de chaque porte, tandis que les passagers arrière peuvent aussi
utiliser les poignées situées sur le dossier des sièges avant. En revanche on
regrette labsence dune poignée sur le montant de pare-brise (ou le
tableau de bord) qui faciliterait laccès à bord pour le passager avant. Les
deux strapontins arrière, qui portent la capacité à sept places, ne sont plus
disposés transversalement mais face à la route. Leur installation demande tout
de même un peu de vigueur, de même que la manipulation de la banquette,
rabattable 2/3-1/3. A noter que linclinaison des sièges supplémentaires est
réglable et que les appuie-tête escamotables sont astucieusement fixés au
plafond. Lensemble de lhabitacle du Discovery bénéficie dune grande
luminosité grâce aux deux toits ouvrants électriques et aux hublots de
pavillon. Celui-ci, rehaussé dans sa partie arrière, apporte une excellente
habitabilité et une bonne garde au toit pour les passagers qui disposent en
hauteur de filets de rangement. La finition intérieure est de bonne facture :
sellerie en cuir et sol recouvert de moquette, y compris dans le compartiment
arrière. Une prise électrique 12 volts située à larrière complète léquipement,
tandis quil faut noter une installation hi-fi complexe avec la possibilité
pour les passagers arrière découter, via des casques, par exemple un CD ou
une K7 pendant que la radio est diffusée dans les hauts parleurs. Voilà qui
résout de cruels dilemmes dans les familles quant au choix des programmes et
aussi à leur niveau sonore ! Le système de contrôle du roulis et la
suspension à air à correction dassiette donnent un très grand confort au
Discovery, qui devient un véritable salon roulant. Le niveau sonore mécanique
est remarquable. Au delà dune certaine vitesse, ce sont les bruits
aérodynamiques qui prennent nettement le dessus. A part peut-être la douceur
de manipulation des sièges et banquette, le Discovery fait un véritable sans
faute dans le domaine du confort, avec de nombreux petits détails comme le
marchepied rétractable automatiquement donnant accès à larrière ou encore
la climatisation automatique à réglage séparé de la température G/D.
Remorquage
La capacité de remorquage du Discovery sétablit à 2980
kg. Lutilisation de plus en plus fréquente dun 4x4 dans des activités de
loisirs conduit également à de fréquents remorquages. Sur le Discovery les
manSuvres daccouplement entre la boule dattelage et le crochet de la
remorque sont facilitées par la suspension à correcteur dassiette qui peut
même se commander à distance depuis un petit boîtier du genre de celui de la
condamnation centralisée des portes. Ce système peut aussi être utilisé pour
faciliter le chargement sur le plancher arrière, ou même laccès de
personnes aux sièges arrière.
Tout-terrain
Si les angles dattaque et de fuite sont certes moins
favorables, même en relevant la suspension arrière, que sur lancien
modèle, le Discovery nen a-t-il pas moins de sérieux atouts dans le domaine
du franchissement. A commencer par son ensemble mécanique moteur/boîte auto.
La douceur de la boîte alliée au couple important du moteur, disponible à
très faible régime, permettent daborder les obstacles en toute confiance et
en souplesse. La réduction de la boite de transfert (3,269) en fait un
véritable 4x4, apte à surmonter de gros obstacles, comme à remorquer même en
conditions délicates. Les divers systèmes comme le MDC ou le ETC ont lavantage
dalléger la tâche du conducteur, donc de donner accès au tout-terrain
même à ceux qui ne sont pas très aguerris ou qui se trouvent très
occasionnellement confrontés à ce genre de situation. Reste à savoir si le
système de contrôle de traction, par exemple, remplace véritablement les bons
vieux blocages de différentiels : certes le système fonctionne, mais quen
est-il exactement lors dune progression continue sur mauvais terrain, dunes
de sable ou bourbiers ? A suivre.
Bilan
Tout en conservant le look qui fait sa personnalité, le
nouveau Discovery a beaucoup évolué, au point quil puisse maintenant
attirer une nouvelle clientèle. Celle-ci sera séduite par son confort, son
luxe, sa technologie aussi et appréciera sa facilité dutilisation. Les
habitués de la marque aimeront, quant à eux, les qualités, du nouveau moteur
et ne regretteront certainement pas labsence de roulis ! Il reste quon
peut tout de même se poser la question de savoir pourquoi le contrôle actif du
roulis nest disponible que dans la finition ES, alors que la version de base
dispose de IHDC et de lETC. Avec et sans roulis ce nest vraiment pas la
même voiture !
Texte et photos extraits de "Passion 4x4" n°54
juillet 1999