Le Terrano II souffrait, sous ses différentes
présentations, d'un évident "déficit d'image". A l'origine
sous-motorisé avec ses pauvres 100 ch, il nous revenait dans le milieu des
années 90 doté d'un intercooler et affichant une puissance de 125 ch. Les
irréductibles Gaulois que nous sommes n'avons jamais su apprécier les
qualités de ce 4x4, la preuve : les modestes chiffres de vente de ce modèle
dans l'hexagone. Pas assez grand ou trop petit, suffisamment long mais pas assez
large?
Avec de tels arguments développés par les acheteurs
potentiels, les concessionnaires français eurent du mal ces dernières années
à les convaincre. Ce n'était pas grave car ce modèle se vendait comme
"des petits pains" en Italie ou en Espagne, et peut-être que Nissan
France ne poussait pas à la vente tout simplement aussi parce qu'il n'y avait
pas assez de Terrano disponibles.
Aujourd'hui, ce modèle nous revient bourré d'arguments
capables de mieux répondre à la concurrence. Effectivement, dans le segment
des "familiaux", le Terrano II arrive loin derrière les trois
best-sellers de la catégorie, à savoir Toyota et son Land Cruiser (6963
unités), devant Mitsubishi et son Pajero (5559 unités) et enfin Hyundai et son
fidèle Galloper (4265 unités). Plus puissant avec son moteur 3,0 litres Vdi en
provenance directe du Patrol GR, mais aussi nettement mieux équipé, le Terrano
III présente des changements en profondeur méritant le détour. Des
modifications préfigurant aussi la nouvelle gamme de 4x4 Nissan dont le fer de
lance sera le futur Patrol GR qui apparaîtra à l'horizon 2003/2004.
Esthétique agressive et fluide
Ce qui frappe tout d'abord sur le nouveau Nissan demeure son
esprit agressif et sauvage, tranchant avec le côté placide du Terrano II. La
face avant, et plus particulièrement la calandre, participent activement à
cette ambiance. En premier lieu, le large bouclier avant se fend d'une ouverture
béante sous la calandre. Destinée à alimenter convenablement en air le moteur
3,0 litres Vdi, cette entrée protégée par une grille très discrète procure
à elle seule au Terrano III un côté squale. Au-dessus, la calandre,
désormais générique de la gamme 4x4 Nissan avec ses deux obliques encadrant
un logo redimensionné à la hausse, peut se trouver soit chromée, soit à la
teinte du véhicule selon la finition choisie. Que ce soit en châssis long ou
cours, l'acheteur aura le choix entre deux versions Ultimate ou Excess.
Notre modèle d'essais disposait de la seconde finition, dont
le seul nom exprime la surabondance de luxe et d'équipements affectés à ce
Terrano III. Extérieurement toujours, la finition Excess se distingue par une
peinture bicolore, une calandre chromée et des marche-pieds latéraux en
aluminium. Les boucliers se poursuivent par des élargisseurs d'aile et des
larges protections de bas de portières. Cette haute ceinture de caisse rehausse
visuellement le véhicule, lui procurant une carrure plus massive. Les boucliers
plus larges et plus enveloppants tentent d'effacer le manque de largeur
général reconnu au Terrano.
Sur le capot moteur entièrement redessiné, une large prise
d'air alimente l'échangeur. Elle se trouve d'autant plus proéminente que
placée sur la partie la plus haute du capot. Les rétroviseurs peints dans le
ton de la carrosserie agrémentent cet aspect feutré qui colle aussi au Terrano
III. Un véritable tour de force que de suggérer l'agressivité en offrant une
apparence aussi douce et fluide ! L'esthétique tant décriée du modèle
précédent est bel et bien oubliée, et c'est tant mieux !
L'arrière ne change que très peu, seul le monogramme
"3.0 litres" vient se placer à gauche, sous la vitre du hayon.
Des habillages en plastique noir épaulent désormais les
feux aux coins supérieurs des ailes. Le couvre roue de secours en ABS laisse
toujours apparaître trois portions en triangle du pneumatique qu'il abrite et
surplombe un pare-chocs biseauté afin d'accueillir un marche-pied.
Habitacle : le sans faute !
Une fois installé à l'intérieur, le pilote peut profiter
d'une d'une débauche de luxe et de raffinement. Aucune faute de goût, même le
"bois" de la console centrale se trouve traité de façon mat et ne
choque pas. Un volant, gainé de cuir à quatre branches, se prend très bien en
main. La jante suffisamment épaisse permet un maintien assez aisé. La colonne
de direction réglable en hauteur dégage bien les jambes. Le tableau de bord
devenu plus rectangulaire avec des angles arrondis se lit parfaitement. Les deux
compteurs principaux, vitesse et compte-tours, sont rejetés aux extrémités
libérant de l'espace afin de regrouper toutes les informations nécessaires à
la conduite.
Une casquette prolonge le tableau de bord vers le pilote et
protège efficacement de la réverbération. La console centrale regroupe en
haut, la radio (à commandes au volant) avec un chargeur 6 CD dans le coffre
puis la climatisation électronique et enfin le cendrier pour les
inconditionnels de la cigarette. Les inévitables porte-gobelets sont
astucieusement dissimulés dans une fine trappe horizontale entre la radio et
les commandes de climatisation. Les panneaux de porte et les leviers de boîtes
sont aussi garnis de peaux quelle que soit la finition. La sellerie de la
version Excess est naturellement en cuir, les assises, plus longues de 25 mm,
maintiennent assez bien et le dossier dispose d'un réglage lombaire. Tout pour
voyager dans le confort. Effectivement, le maintien est assez bon, même en
tout-terrain, avec cette sellerie cuir peu glissante : nous ne sommes plus
obligés de nous cramponner au volant ! Un toit ouvrant électrique complète la
panoplie pléthorique de ce Terrano III Excess.
Les places arrière manquent un peu de largeur, mais il est
possible de voyager à cinq adultes sans trop de désagrément. La distance
dévolue aux jambes, en revanche, n'autorise pas les grands gabarits (+ 1,80 m)
tout comme la troisième banquette. Cette dernière repliée dans le coffre
occupe beaucoup de place et son accessibilité reste assez "limite"
pour un adulte. Elle s'avère utile pour un transport occasionnel de passagers
(de préférence en bas âge) mais demeure assez confortable néanmoins. Au
chapitre sécurité, aux deux classiques airbags frontaux, s'ajoutent deux
latéraux, de 14 litres chacun, protégeant la tête et le thorax en cas de
collision. Pour la première fois sur un 4x4 de cette catégorie, les airbags
latéraux sont associés à des appuis-têtes actifs qui limitent les risques de
traumatismes cervicaux en cas de choc arrière, en montant et s'avançant. Pour
un véhicule de cette catégorie du marché du 4x4, le Terrano III fait
véritablement exploser les critères de confort dans sa version la plus
richement équipée, mais le manque de volume intérieur se fait toutefois
sentir.
Un joyau dans son écrin
La vraie nouveauté (celle à laquelle personne ne
s'attendait) restera la greffe du moteur du Patrol GR sur le Terrano. Un gain de
puissance considérable de 26% associé à une augmentation de couple de 8% sur
un véhicule de près de 400kg de moins procure des sensations peu courantes. Le
brio de ce moteur ZD30 Ti dernière génération de 2953 cm3 développant sur le
Terrano III 154 ch. pour un couple de 30,4 m/kg à 1600 t/min n'est plus à
démontrer. Le système d'injection directe de la technologie M-Fire (combustion
contrôlée en français) permet une optimisation de l'injection diminuant de
manière drastique les résidus et les rejets en oxyde d'azote. Le
turbocompresseur à géométrie variable autorise une réponse modulable sur
toute la courbe de puissance. Comme pour le GR, deux arbres d'équilibrage,
tournant en sens inverse et deux fois plus vite que le moteur, prennent place de
part et d'autre du vilebrequin, absorbant de la sorte les vibrations parasites.
En dernier lieu, les plages d'entretien de ce moteur sont
plus espacées que ses prédécesseurs. Tous les 15 000 km au lieu de 10 000 km,
cela se ressent très vite sur le portefeuille.
Véritable bijou dans son écrin, ce monteur est monté avec
les mêmes boîtes de vitesses que le GR. La première, mécanique bien étagée
à cinq rapports, assez ferme en verrouillage, rend le Terrano III très
réactif, même en châssis long. L'autre, automatique à quatre rapports (3 +
overdrive) permet une conduite plus coulée. A noter que cette version BVA
dispose au tableau de bord d'un interrupteur enclenchant au choix, soit le mode
"sport" (kick down plus rapide et passage des vitesses plus haut dans
les tours), soit le mode "neige" (régulateur de couple afin d'éviter
de faire patiner les roues et démarrage en seconde).
Châssis en acier trempé
La partie châssis et suspension n'a pas beaucoup évolué.
C'est une bonne nouvelle car même en version 2,7 l, le Terrano profitait
pleinement de son architecture de type "échelle renforcée". Capable
de supporter des forces de torsion considérables, cette structure savait se
faire oublier sur la balance. Ce qui est d'ailleurs l'une des particularités
historiques de Nissan qui, utilisant des aciers de très haute qualité pour ses
châssis depuis plus de cinquante ans, construisait des véhicules néanmoins
assez légers. Côté suspension, à l'avant on trouve des roues indépendantes
à double triangulation, bridée par des barres de torsion et une barre
anti-roulis. A l'arrière on retrouve, comme sur le Terrano II, l'essieu rigide
à ressorts hélicoïdaux et sa barre anti-roulis. Un choix très classique
toujours, quant au mode de transmission a été retenu. Le système 4x4
débrayable avec moyeux automatiques à l'avant permet de passer de 4x2 à 4x4
en roulant jusqu'à 100 km/h. Il est possible de passer en gamme courte en
roulant si l'on "affûte un peu les pignons", autrement il convient de
le faire à l'arrêt. Le freinage est confié à deux disques ventilés de grand
diamètre à l'avant et deux antiques tambours à l'arrière, l'ensemble
associé à un ABS et un EBD ou répartiteur de charge. Les circuits de freinage
sont distincts à l'avant de l'arrière. L'ABS se déconnecte en dessous de 8
km/h, ce qui est un peu juste, il conviendrait de pouvoir le déconnecter
manuellement, en off road, car au-dessus de cette vitesse, il se déclenche de
manière intempestive sur terrain gras. Pas franchement plaisant.
Fabriqué en Espagne près de Barcelone, ce Nissan 3,0 litres
viendra se placer en haut de gamme Terrano, chapeautant le 2,7 litres qui
continuera son petit bonhomme de chemin. Le Terrano III dispose visiblement dans
ses deux finitions de très gros atouts afin de reprendre des parts de marché
à la concurrence. Seuls quelques archaïsmes viennent un peu gâcher la fête :
une transmission à pont avant enclenchable (au lieu d'un 4x4 permanent) et des
tambours à l'arrière (nous aurions préféré quatre disques), rien de bien
grave ni de rédhibitoire, au contraire. Le Terrano III, comme son grand frère
le Patrol GR, vous emmènera bien plus loin que le bout de la route?
Et beaucoup plus vite désormais !
Texte et photos extraits du magazine "4x4
Mondial" n°32 - avril 2002