Premier constat, le caractère de l’X-Trail réservé aux
marchés européens n’a fort heureusement plus grand chose de commun avec la
version lancée au printemps au Japon et dont on a pu lire ça et là quelques
ersatz de tests. Non, "notre" X-Trail à nous se distingue tout d’abord
par sa calandre à trois grosses prises d’air en "V" bien dans la
lignée des 4x4 "maison" mais surtout par son tempérament. En effet,
les trains roulants ont été complètement redéfinis au centre technologique
Nissan de Cranfield en Grande-Bretagne, selon "nos" goûts, à savoir
qu’ils sont accrocheurs et dotés d’un amortissement exemplaire. Mais il y a
mieux encore avec sous le capot un inédit quatre cylindres turbo diesel 2,2
litres à injection directe, motorisation fort prisée on le sait sur l’hexagone
et qui devrait constituer - à raison - plus de 70% des ventes.
C’est évidemment cette version que nous avons pu prendre
en mains. Et ceci, second constat, nous amène d’emblée à nous étonner du
choix plutôt curieux effectué en la matière par le marketing de Nissan
France. Car seulement trois modèles seront inscrits au catalogue dès septembre
prochain. Le turbo diesel ne sera disponible qu’en finition "Luxe",
mais sans l’ESP et le différentiel arrière à glissement limité
électronique. Un système complémentaire annoncé en option courant 2002 sur
les deux versions "Sport" et "Luxe" quel que soit le moteur.
Bref, le pari de ne proposer qu’un seul X-Trail TDi en "Luxe" reste
quant à lui osé car l’engin se positionne d’entrée sur le haut de gamme
alors que ses concurrents directs offrent un choix plus large. Mais, quoiqu’il
en soit, on en aura comme l’on dit, pour notre argent !
COMPROMIS DE STYLE
D’un gabarit imposant malgré l’abandon de la galerie
carénée vue à Paris et intégrant des projecteurs de pavillon, l’X-Trail
revendique 4,51 m de long pour 1,76 m de large et presque autant de haut. Ces
côtes sont tout simplement les plus généreuses de la catégorie, repoussant
presque CRV, RX4, RAV4, Freelander, Forester voire Santa Fe dans la cour des
"petits" ! Les lignes de ce nouveau Nissan hésitent admirablement
entre "classique" et "tendance". Mais le style s’avère
réussi. Sage, il différencie cependant immédiatement l’auto d’un banal
break. Même sans roue de secours extérieure, on sait que le X-Trail appartient
à la "famille" des 4x4. Ce design musclé se concrétise par de
globuleux projecteurs à glace lisse façon Scénic (tiens, tiens !), de
volumineux boucliers se fondant dans des ailes bien largement épaulées (celles
de l’avant étant en composite souple déformable aux petits chocs) et une
surface vitrée fort généreuse. Volontaire de trois quarts avant, le X-Trail
perd de sa superbe vu de l’arrière où son hayon sans grande personnalité
rappelle celui d’un fade Suzuki Ignis.
RECETTES TECHNIQUES ORIGINALES
Plus prosaïquement, la structure monocoque étroitement
dérivée de celle de l’Almera sur un empattement de 2,62 m a été renforcée
un peu partout afin d’obtenir une bien meilleure rigidité, essentiellement en
torsion. On a également particulièrement soigné l’insonorisation. Revers de
la médaille, un poids à vide assez conséquent :1541 kg et 1607 kg à vide
selon les versions. Cette plate-forme se voit complétée, avec l’interposition
de silent blocs isolants, par deux sous-châssis recevant les trains roulants.
Ceux-ci sont à roues indépendantes : Mc Pherson triangulés à ressorts
hélicoïdaux sur l’avant et à bras parallèles sur l’arrière. Ces
derniers sont configurés de façon à ce que les moyeux reculent en phase de
compression au lieu d’avancer et ce afin de minimiser l’impact des pneus et
d’offrir un confort poussé sur tous les terrains. On a vérifié, cela se
tient.
Les moteurs sont montés transversalement sur l’avant et le
transfert en bout de boîte intègre donc un renvoi d’angle. Et c’est à ce
stade que l’on peut parler d’originalité.
Moteurs : deux quatre cylindres en ligne donc s’inscrivent
au menu. Les blocs sont connus et équipent déjà d’autres Nissan, mais tous
deux ont été revus. Le OR20DE essence est un 1998 cm3 (alésage x course de 89
x 80,3) tout alu 16 soupapes double arbre à cames muni d'une distribution à
calage variable (CVVTC) via une chaîne dite "silencieuse" et de deux
arbres d’équilibrage placés sous le vilebrequin. Il développe 140 ch à
6000 t/mn et un couple maxi de 192 Nm à 4000 tours, valeurs placées assez haut
et qui, dans le concret et à cause du poids du véhicule, s’entachent d’une
consommation plutôt élevée. Le turbo diesel YD22DDTI de 2184 cm3 (86 x 94)
est directement issu du groupe équipant Almera et Tino. Il bénéficie donc de
16 soupapes et de l’intercooler, mais se voit ici coiffé par une injection
directe "common rail" et associé au système M-Fire Nissan. Ainsi,
contrairement à une pompe à commande mécanique, l'injection est 100%
électronique et utilise une rampe hautement pressurisée qui alimente chaque
cylindre par des injecteurs pilotés. À cela, le dispositif M-Fire déjà vu
notamment sur le Patrol GR qui est lui basé sur deux orifices d’admission (un
seul étant utilisé à faible charge), un taux élevé de recyclage des gaz d’échappement
et un calage optimal avec le début de l’injection en fin de compression. De
quoi générer une forte turbulence dans les chambres et une parfaite
combustion. Sur le papier, ce 2,2 litres offre 114 ch à 4000 t/mn et 270 Nm à
2000 tours. Du tout bon au bout de la pédale, car il tient, on va le voir, ses
promesses ! Et puis ce dynamisme ne se traduit pas par un appétit démesuré en
carburant. Loin s’en faut, et il sera possible, sans trop de contraintes, de
rouler en dessous des dix litres !
UNE BOÎTE 6 SUR LE DTI DE SERIE!
Transmissions : le 2 litres essence est accouplé, au choix,
avec une boîte manuelle 5 vitesses ou une automatique baptisée E-Flow à 3
rapports + overdrive (seulement en option sur finition "Luxe").
Le turbo diesel quant à lui se distingue par sa boîte à 6
rapports - une "première" dans ce marché ! - dont les deux derniers
sont surmultipliés. Cette association a été rendue possible grâce au couple
élevé fourni par ce moteur qui permet d’entraîner sans problème une
démultiplication beaucoup plus longue (0,63 en 6 !) que le raisonnable. Un
"plus" bien réel que l’on apprécie à chaque instant. Car cette
boîte par ailleurs bien étagée au verrouillage assez ferme, contribue à l’agrément
général du X-Trail. On s’amuse à jouer du levier pour profiter des relances
moteur. Un régal qui se traduit par des accélérations et des reprises de haut
niveau : les 13"2 de 0 à 100 km/h ou 9"5 de 40 à 80 km/h en 4ème
sont assez significatifs de l’énergie disponible.
Le système "All Mode 4x4" : Nissan
spécialiste du 4X4 pur et dur se devait de nous proposer une solution originale
pour son SUV dans le domaine de la traction intégrale. Le constructeur n’est
pas passé à côté avec son dispositif électronique "All Mode" qui,
basé sur un différentiel central inter-pont à disques multiples géré par l’électronique
(système extrapolé de la grosse Skyline GT-R !), nous a lui aussi séduit par
ses performances. En fait le conducteur a le choix entre trois positions via
trois boutons disposés sur la planche de bord. Suivez le guide :
2 RM : ici, seules les deux roues avant sont motrices en
configuration de roulage normal. Mais dès que l’électronique (capteurs
couplés avec ceux de l’ABS) détecte le moindre signe de patinage, le
système renvoie la puissance sur l’essieu arrière.
4 RM Auto : cette fois, on dispose d’un mode traction
intégrale permanente avec une répartition automatique du couple entre les deux
essieux en fonction de leur adhérence. Le patinage d’un train de roues
entraîne alors instantanément un report sur l’autre train. Avantage de ce
mode de fonctionnement, contrairement à un viscocoupleur traditionnel qui se
met en marche après plusieurs rotations dans le vide d’une roue, le
dispositif Nissan se déclenche dès les premiers degrés d’écarts sur une
seule des roues.
Lock : à utiliser hors bitume ou lors de la descente de
cols enneigés afin de bénéficier d’un frein moteur réparti sur les quatre
roues, cette dernière position correspond à une répartition fixe et bloquée
du couple avant / arrière à raison de 57/43% par le verrouillage pur et simple
du différentiel. Ce mode se désengage automatiquement au-dessus de 30 km/h...
même si le témoin reste curieusement allumé sur la planche de bord ! À
revoir.
L’ESP+ : sous ce terme se cache désormais chez tous
les constructeurs automobiles un système électronique de régulation de
trajectoire utilisant de multiples capteurs (sur la gravité, les forces
latérales, l’angle du volant, de lacet plus ceux de l’ABS...). Traduisez
par un dispositif qui agit alors en totale indépendance sur les freins et sur
le papillon des gaz afin de ralentir la ou les roues qui prendraient de la
dérive ou amorceraient un début de patinage. Bref, une véritable assistance
à la conduite ô combien sécurisante... mais frustrante pour le pilote qui
sommeille en chacun de nous ! Car I’ESP du X-Trail va encore plus loin en
commandant de lui-même selon les cas de figure, l’ABS, l’engagement du mode
4RM, l’activation de l’antipatinage et / ou du différentiel à glissement
actif auquel il est systématiquement associé ! Cet ensemble peut heureusement
se désactiver. Indisponible pour le moment, il sera seulement proposé en
option courant 2002.
QU’IL Y FAIT BON VIVRE !
L’habitacle du X-Trail est des plus flatteur car bien
pensé. Tout d’abord, les larges portes s’ouvrent sans retenue sur de grands
angles. Mieux, elles intègrent les bas de caisse, ce qui évitera de se salir
les pantalons.
L'accueil de ce SUV séduit le plus blasé. À l’intérieur,
un savant mélange de plastiques, de tissus d’alu brossé, de tissus de
moquette et de cuir vous salue. C’est propre, bien fini et hors des sentiers
battus à l’instar des cadrans positionnés au centre de la planche de bord,
des multiples et profonds rangements disposés partout, des sièges
remarquablement dessinés au bon maintien, du plancher rigoureusement plat
(assise arrière rabattue) recouvert d’un composite anti-chocs lavable à
grande eau, voire des deux porte canettes / bouteilles réfrigérés par la clim
ou ce pédalier alu à trou-trous très tuning ! L’espace est également royal
: 1,41 m de largeur aux coudes, 96 cm au-dessus des têtes et une place
largement supérieure aux standards (et à la concurrence !) allouée aux
passagers arrière. À se disputer pour voyager "derrière" !
QUEL CHASSIS !
Contact, c’est parti. Un feulement accompagne vos premiers
tours de roues. Le silence de ce TD à injection directe étonne. Et ça pousse
tout de suite très fort. Bien installé, dominant la route, bénéficiant d’une
remarquable visibilité, on ne tarde pas à flirter avec les limitations en
vigueur. À fond de "six", on maintient sans peine un remarquable 167
km/h chrono. Le X-Trail roule mieux qu’une berline, vire incroyablement à
plat, ne décroche pas et semble posé sur des rails. En 2RM, on perçoit tout
juste les renvois d’adhérence, le sous-virage - souvent provoqué - s’éclipsant
alors pour une reprise de trajectoire franche et saine. Sur pistes rapides, son
terrain de prédilection, il se régale en mode 4RM s’autorisant quelques
prouesses réservées à des autos autrement affûtées. Amusant mais surtout
hautement sécurisant ! On cherche alors ses limites qui seront liées à son
poids (quand même un poil excessif) et à la puissance timorée par rapport au
châssis et à l’amortissement d’évidence exceptionnels.
Enfin si le freinage assuré par quatre disques (ventilés à
l’avant + ABS 4 voies 5 capteurs avec répartiteur électronique EBD) se
révèle sans faille, on sera quelque peu décontenancé par le rappel de la
direction assez ferme, direction au demeurant précise et filtrant bien les
inégalités de la chaussée. Les trois tours de volant seulement de butée à
butée n’étant sans doute pas étrangers à cette perception.
Et plus loin ? Eh bien on s'est amusé à pousser l'auto sur
de l'off road. Evidemment, sans rapports courts (la première est encore trop
longue dans cet exercice), avec une garde au sol limitée à 19 cm et sans
véritables débattements (quoique le Nissan lève la patte plus tard que ses
rivaux), pas de miracle. Et puis, le silencieux de l'échappement arrière
placé trop bas devient d'emblée une hérésie. On aurait pu éviter cette
verrue (qui gâche aussi le "visuel") en adoptant une roue de secours
galette au fond du coffre, mais bon.
Homogène au possible avec sa motorisation mazout, le Nissan
X-Trail affiche un comportement, un dynamisme, une habitabilité et un agrément
général bien au-dessus du panier. C'est un engin bien né, bien conçu, bien
fini, bien équipé, sobre et performant.
Après, on peut toujours disserter sur la forme et les
tarifs. Ou regretter l'absence de véritables prestations tout terrain. Chez
Nissan, on vous répondra que ce n'est ni le but ni la clientèle recherchés.
Les inconditionnels de la terre plus ou moins battue peuvent toujours opter pour
un Terrano II ou un GR. En tout cas l'univers des SUV risque bien d'être
bouleversé par ce "X" bourré de talents qui ne tardera guère à se
faire une réputation sinon un nom.
Texte et photos extraits de "Passion 4x4" n°78 -
juillet 2001