I

Des paysages somptueux.

Cette année, faute de remorque et de place dans la benne du Ford 350 pour ma Jeep Delahaye habituelle, je dus me satisfaire d'une Méhari 4X4.

Pour ne pas paraître trop "riquiqui" à côté des autres vrais 4X4 balèzes, nous avons investi dans 4 pneus 195 X 15 d'occasion (ex Freelender) pour remplacer les 135 X 15 d'origine.
Une séance de découpe à la scie sauteuse d'un pavé sur deux sur les côtés de la bande de roulement, tenta de "viriliser" cette monte de récup, mais ne fît pas illusion devant le responsable des zones de trial !!!…

Par moins 5°C de bon matin, une bonne paire de moufles en peau de mouton et une chaude polaire offerte généreuse-ment par 4X4 EDOUIN, remplacèrent avantageusement un coûteux et lourd hard top.

Après avoir observé une vingtaine de concurrents aux techniques les plus contradictoires les unes que les autres, je retenais la conduite "coulée" pour ne pas recevoir d'éclaboussures, et surtout, ne pas en envoyer aux juges de zone, afin de conserver leur sympathie en cas de frôlement litigieux d'une banderole !!!…
La tête rentrée dans les épaules est la caractéristique de tout conducteur de Méhari soucieux d'améliorer l'aérodynamisme en roulant habituellement pare-brise baissé.

Devant un obstacle "noir" et un public de trialistes chevronnés, le plus difficile est de faire semblant d'appliquer une stratégie mûrement élaborée après écoute de ceux qui ne jurent que par la 1ère longue accélérateur à fond, et les partisans de la 2ème ou 3ème courte pied léger.
Pour couronner le tout, l'utilisation ou non des blocages de différentiels avant et arrière de ma Méhari a failli provoquer une échauffourée entre ceux qui les jugent nécessaires à cause du manque d'adhérence des ultimes rochers du dernier virage, et ceux qui me répètent qu'ils m'empêcheront de braquer !!!…

Le dernier épisode de ce "Raid Gaillard" apporte de l'eau au moulin des très majoritaires partisans d'une harmonieuse et bénéfique cohabitation simultanée entre tous les usagers des chemins : piétons, gibiers, cavaliers, cyclistes, motards, 4X4, troupeaux divers, tracteurs, quad, U.L.M., moissonneuses, charrues, semi-remorques de débardage, etc, etc…
Voici ma contribution à cette symbiose porteuse d'avenir :

Au loin, deux cavaliers s'évertuaient à faire avancer leurs montures, manifestement très paresseuses, au point de ralentir de plus en plus à l'approche de ma Méhari pourtant courtoisement blottie en lisière de forêt.
Emu par les efforts quasiment vains des cavaliers, je réfléchis comment leur venir en aide et heureusement, trouvais génial dès qu'ils dépassèrent mon 4X4, d'actionner vigoureusement mais alternativement bouton de klaxon et pédale d'accélérateur.

Ce fut salutaire. Adieu rosses fainéantes, place aux fringants coursiers dévoreurs d'horizons.
De reconnaissance, et du plus loin que je pus continuer à les observer, les cavaliers m'adressèrent force saluts, (poings fermés comme le veut une tradition locale d'après l'organisateur du "Raid Gaillard").

Relatant cette anecdote lors d'un apéro en compagnie des membres de l'union commerciale artisanale et industrielle de Carsix, je fus surpris de l'immense intérêt qu'elle provoqua.

Cela commença par un marchand de radios télés appareils ménagers, qui se proposa d'enregistrer et commercialiser un C.D. diffusant le son du klaxon et bruit moteur de la Méhari après que l'épicière lui eut révélé que musique sirupeuse et voix de caissière de supérette énamourée diffusées dans ses rayons, n'avaient d'autre but que d'endormir le sens critique du chaland afin de lui faire acheter du superflu, alors qu'il n'était venu que pour le strict nécessaire.

Notre spécialiste "radios-télés" avait compris que l'effet "turbo" de la stridence du petit klaxon alternée avec le rythme frénétique de 2 pistons et 4 culbuteurs du 603 cm³ de la Méhari, pouvaient être aussi efficaces sur l'homme qu'il l'avait été sur les chevaux.

L'épicière imaginait ainsi ses clients remplir les caddies à ras bord sans réfléchir car à toute vitesse.
A toute vitesse également, les ouvriers du maçon monteront les murs, le commis boucher découpera la viande, les mécaniciens répareront les voitures, les clients du cafetier enchaîneront les tournées, les ouvriers agricoles fourchetteront les gerbes, etc, etc…

Conclusion :

Grâce à une humble Méhari 4X4, ces commerçants et artisans ne devaient plus leur soudaine joyeuse faconde aux successions de tournées d'apéro, mais à de plus solides et durables perspectives de prospérité.

Un ami me conseilla de faire breveter sans tarder cette géniale invention à l'I.N.P.I.
Un autre me mit en garde sur la complexité des démarches.
Je concède avoir été particulièrement sensible à celle-ci !!!…
C'est pourquoi, quand tous les autres amis m'ont généreusement proposé un double pastis pour être quitte, j'ai accepté avec reconnaissance.

Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras et vive le 4X4…..